« Rêver d'un beignet, ça n'est qu'un rêve. Mais rêver de voyage, c'est un voyage quand même. »
Je rêve de voyage. Non, pardon, je rêve d'évasion. C'est une pensée qui m'est venue il y a quelques semaines maintenant. Je me suis rendue compte que je n'aurai pas mon année de licence. Suite à cette conclusion, m'est venue la réaction prévisible de mes parents -enfin, de mon père. Ma mère est une fataliste dans l'âme : « si c'est arrivé, c'est que ça devait arriver, nous n'y pouvons rien, passons à autre chose »- Je sais qu'il va hurler, me traiter de tous les noms, menacer de me gifler et finalement, me foutre à la porte pour quelques semaines -puis ma mère lui rendra la vie tellement impossible que je rentrerai à la maison, c'est comme ça que ça marche- Après cette révélation de mon futur proche, je me suis sentie complètement découragée. Ça a été encore pire qu'avant. Déjà que je considère la fac comme une punition, que j'y vais en trainant les pieds, que j'y connais plus personne et qu'à part quelques vagues « bonjour » polis, mes camarades m'ignorent proprement, je ne vous raconte même pas la volonté dont j'ai du faire preuve pour continuer à me lever le matin...
Je ne veux pas vivre ça. L'engueulade, les quelques jours de balancement entre mes grand-parents et la maison -ma petite amie ne pourra pas m'héberger même si je viens gratter à sa porte comme un chien abandonné au bord de l'autoroute au moment des départs en vacances, elle me l'a dit-, le sac sous un bras et mon ordinateur portable sous l'autre... Alors une idée s'est imposée à moi. Si j'obtiens mon permis avant la fin de l'année scolaire -ce qui ne tardera pas arriver, je le passe sous peu-, je pourrais faire comme mon père en son temps : acheter une petite camionnette en occasion avec mes économies -j'ai de quoi, après vérification-, partir un peu avant les résultats en laissant une jolie lettre d'excuses, de remerciements, de promesses et aller bosser dans le sud pendant toutes les grandes vacances, faire le tour de France à partir de septembre... Bref, vivre un peu avec la tête dans les étoiles et le pied sur la pédale d'accélération.
Au fil des semaines, mon plan, qui n'était qu'une vague idée qui m'a permise de me lever le matin, est devenu plus concret et j'en suis à regarder les petites annonces de ventes de voitures. Ça me fait peur. Sincèrement, j'adorerai partir comme ça, presque sur un coup de tête, claquer ma vie de famille et mes études que je déteste, pour un peu de liberté, pour me trouver moi-même, pour réfléchir à ce que je suis, ce que je peux me donner les moyens d'entreprendre pour obtenir une vie qui me conviendra vraiment. Je suis capable de partir, je suis capable de faire bien des choses si je m'en donne les moyens justement. Mais je n'ai jamais la motivation nécessaire à tout projet... Je vis ma vie actuelle comme une punition, et j'ai l'impression de regarder les jours se dérouler sans les vivre...
En fait, c'est juste que je n'en peux plus. J'ai envie de me flinguer tellement j'ai honte de ce que je suis actuellement : une chieuse irresponsable, qui ne fout rien, qui n'a pas envie de foutre quelque chose d'ailleurs, que tout le monde regarde de haut et considère encore comme une gosse. Ça me donne pas vraiment envie de grandir, vous me direz... Alors, partir, pour mieux revenir, je trouve que c'est la meilleure idée que j'ai pu avoir depuis bien longtemps...